Les maisons en pierre et terre représentent la majorité de nos constructions d’avant 1949, soit, selon les sources, entre 7 et 12 millions d’habitations en France. Ces bâtiments ayant été construits sans normes particulières, ils se caractérisent le plus souvent par des matériaux locaux (bois, terre, pierre) et une conception bioclimatique, pour bénéficier des apports solaires. Cependant, nos exigences de confort ont changé : température de vie augmentée, limitation des courants d’air et recherche de luminosité. Alors comment concilier confort moderne et bâti ancien pour gagner en efficacité, sans dégrader le bien ? Nous tentons de vous détailler dans cet article ce qui caractérise ces maisons anciennes, les points de vigilance, les solutions disponibles et les étapes clés de votre projet.
- Les caractéristiques des maisons en pierre
- Les points de vigilance pour l’isolation des murs en pierre
- Quels critères techniques pour le choix de la solution d’isolation d’un mur en pierre ?
- Les solutions bio et géosourcées pour isoler un mur en pierre
- Les étapes clés pour une isolation réussie
- En conclusion: isoler les murs en pierre, un équilibre entre performance et respect du bâti
Les caractéristiques des maisons en pierre
Les maisons en pierre font partie intégrante du patrimoine architectural français : solides, durables et naturellement régulatrices de l’humidité, elles offrent un confort thermique appréciable… à condition d’être bien comprises. En effet, leur inertie importante et leur comportement hygrométrique particulier imposent une approche spécifique en matière d’isolation.
Une épaisseur importante :
Les murs en pierre peuvent atteindre 50 cm à plus d’1 m, ce qui leur confère une forte inertie thermique. Ils stockent la chaleur (ou la fraîcheur) et la restituent lentement.
Un matériau hétérogène :
Un mur en pierre n’est jamais totalement homogène : pierres de tailles variées, joints plus ou moins poreux, parfois remplissage de moellons ou de terre.
Sa perméabilité à la vapeur d’eau :
La pierre et surtout les joints permettent des échanges hygrométriques avec l’air. Ces murs « respirent » (on parle de perspirance) et régulent naturellement l’humidité intérieure.
Une Masse lourde mais faible résistance thermique :
Malgré leur inertie, les murs en pierre isolent peu (valeurs R très faibles), d’où l’importance de réfléchir à une isolation adaptée.
Isoler un mur en pierre ne vise pas seulement à améliorer les performances énergétiques : c’est aussi préserver le bâti, éviter les désordres liés à l’humidité et garantir un confort optimal, été comme hiver.
Les points de vigilance pour l’isolation des murs en pierre
Gestion de l’humidité :
C’est le point n°1 qui doit conditionner votre choix. Contrôlez l’état des murs (capillarité, remontées humides, joints) avant toute intervention. Une isolation mal pensée peut piéger l’humidité dans la paroi. A vérifier également les infiltrations de la façade (joints, fissures, enduits), de la toiture et des gouttières.
Autre point d’attention, souvent négligé lors de travaux : l’étanchéité du sol. Plus le sol est imperméable, plus l’humidité aura tendance à remonter par les murs (par capillarité).
A noter : en présence d’un enduit ou jointoyage continu au ciment, notamment s’il est déjà fissuré : envisagez de casser et remplacez par un enduit à la chaux.
Préserver la perspirance :
Il est essentiel de choisir des isolants (d’origine végétale) et enduits qui laissent passer la vapeur d’eau, afin d’éviter la condensation et les désordres (salpêtre, moisissures).
Respecter l’inertie :
Une isolation trop épaisse et étanche peut couper le mur de son rôle de régulateur thermique. Mieux vaut souvent privilégier une isolation complémentaire et équilibrée.
Ponts thermiques :
Attention aux jonctions (planchers, refends, encadrements de fenêtres). Une isolation intérieure doit être soigneusement raccordée pour éviter les zones de froid.
Valeur patrimoniale :
Beaucoup de maisons en pierre appartiennent au patrimoine bâti ancien. Les solutions doivent respecter l’esthétique et les caractéristiques d’origine, notamment en façade.
A savoir : réglementation et bâti ancien
Si le bâtiment est classé ou situé en zone protégée (proximité d’un monument historique, site patrimonial, zone ABF), toute modification de façade (isolation par l’extérieur, changement d’enduit ou de menuiseries) doit être validée par les Architectes des Bâtiments de France (ABF).
Les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) peuvent imposer des contraintes sur les matériaux, couleurs ou techniques autorisées en façade sur certaines zones.
Désormais, en connaissance de cause, vous pouvez faire le choix de la solution d’isolation. Mais il reste encore à établir les caractéristiques techniques des isolants pour qu’ils soient compatibles avec un mur en pierre.
Quels critères techniques pour le choix de la solution d’isolation d’un mur en pierre ?
Pour répondre aux exigences d’un mur en pierre, il faut sélectionner des matériaux qui soient capables de répondre à ces particularités :
1. Perméance à la vapeur d’eau
Le système doit être perspirant afin de laisser circuler la vapeur d’eau et éviter les risques de condensation interne. L’isolant et l’ensemble du complexe (enduit, frein-vapeur, finition) doivent être perméables à la vapeur d’eau avec une faible valeur de Sd et un comportement hygrovariable.
Le saviez-vous ? Pour mesurer l’absorption d’eau liquide des pierres, et déterminer ainsi la nécessité ou non de les protéger de la pluie, on utilise une pipe de Karsten. Sa mesure est définie par les normes NF EN 16302 du 13 Mars 2013 et NF EN 772-11 d’août 2011 pour les protocoles de mesure de l’absorption. Son utilisation est réservée à des professionnels formés pour ces types de mesures.
2. Performances thermique (R)
L’objectif reste d‘atteindre une résistance thermique suffisante pour des économies d’énergie, sans sacrifier le confort d’été du mur en pierre.
La performance thermique attendue doit être évaluée en fonction de l’épaisseur du mur, de l’isolant et de sa conductivité (λ). On choisit la solution selon le niveau d’isolation visé.
Conductivité Thermique (λ) : aujourd’hui la majorité des isolants biosourcés permettent d’atteindre un faible λ (lambda) et donc une épaisseur de matériau raisonnable.
Résistance Thermique (R) : la solution choisie doit permettre d’atteindre un R équilibré pour ne pas faire perdre les qualités inertiques de la pierre.
Normalement, pour atteindre des gains sur le DPE, et une éligibilité aux aides, il est recommandé d’atteindre une résistance thermique supérieure à 3,7 m 2. Cependant, des acteurs comme Maisons Paysannes, tentent d’inverser la tendance, avec un R inférieur à 3, pour limiter les désordres d’une trop forte étanchéité de la paroi.
A savoir : les enduits correcteurs thermiques
Si leur résistance thermique n’est pas des plus élevées, ces enduits apportent un confort global bien plus intéressant en matière de gestion de l’humidité et de diffusivité, pour une épaisseur globalement moins importante (pas besoin de parement). Plus d’infos sur notre article sur les enduits correcteurs thermiques.

Enduit correcteur thermique chaux chanvre – formation et photo Savoir & Savoir Faire
3. Inertie thermique et déphasage
Les murs en pierre apportent une inertie naturelle qu’il convient de préserver. Le choix de l’isolant doit tenir compte de sa capacité thermique massique (C) et de son déphasage (temps nécessaire à la chaleur pour traverser la paroi), surtout pour le confort d’été.
Les Matériaux à Proscrire : Les isolants étanches (Polystyrène Expansé – PSE, Polyuréthane – PU) qui piègent l’humidité dans le mur, entraînant des risques de condensation interstitielle, de moisissures et de dégradation du bâti.
4. Compatibilité avec le support
L’isolant et les enduits doivent être techniquement compatibles avec la pierre et les joints. Cela implique de vérifier :
- la capillarité de la pierre (notamment en pierre tendre),
- la cohésion mécanique avec le support,
- la perspirance à la vapeur d’eau.
A noter : pour la majorité des isolants, une membrane d’étanchéité hygrovariable est conseillée pour réguler le transfert de vapeur d’eau dans l’isolant.
6. Durabilité et entretien
La résistance dans le temps, la tenue aux variations hygrométriques et la facilité d’entretien (par exemple pour des enduits chaux-chanvre) font aussi partie des critères techniques.
7. Mise en œuvre et réglementations
Enfin, la solution retenue doit être conforme aux DTU, Avis Techniques ou règles professionnelles applicables au matériau utilisé, pour garantir sa durabilité et la conformité aux assurances.
A savoir : les différents types de pierre de construction
1. Les pierres tendres (ou ouvertes*) : craie, tuffeau, calcaire tendre.
Caractéristiques : faciles à tailler, légères, mais sensibles à l’humidité et au gel. Présentes surtout dans les régions de Loire, Normandie, Bassin parisien. A protéger impérativement de la pluie en extérieur
2. Les pierres dures (très fermées*) : granite, grès, basalte, calcaire dur, marbre.
Caractéristiques : très résistantes à l’usure et aux intempéries, mais difficiles à tailler et lourdes à mettre en œuvre. Utilisées surtout en Bretagne, Massif central, Vosges.
3. Les pierres demi-dures (peu ouvertes*) : certains calcaires compacts, molasse.
Caractéristiques : intermédiaires, offrant un bon compromis entre facilité de taille et durabilité. Courantes dans le Sud-Ouest et le Sud-Est.
* selon leur capacité d’absorption de l’humidité
Pour compléter et comme on vous l’explique dans notre article “Comment le choix des matériaux influe sur notre confort thermique ?”, les matériaux biosourcés et géosourcés cochent toutes les cases pour répondre à ces critères. Voici quelques solutions à explorer selon votre cas.
Les solutions bio et géosourcées pour isoler un mur en pierre
Vous l’aurez compris, le choix d’une solution biosourcée et/ou géosourcée pour isoler un mur en pierre semble la plus évidente à la fois pour gagner en durabilité et diminuer son impact environnemental. Leurs caractéristiques thermiques, acoustiques et hygrométriques les rendent parfaitement compatibles avec ces murs anciens.
Notre conseil : isolation intérieure ou extérieure pour un mur en pierre
L’Isolation Thermique par l’Extérieur (ITE) est techniquement plus performante car elle supprime les ponts thermiques et préserve l’inertie du mur en pierre pour le confort d’été. Cependant, l’Isolation Thermique par l’Intérieur (ITI) est souvent retenue pour des raisons esthétiques (conservation de la façade) et budgétaires. Dans les deux cas, le choix de matériaux perspirants et le traitement de l’humidité du mur sont des impératifs techniques absolus pour éviter les désordres.
Désormais, les solutions sont pléthores et difficile de tout vous détailler. Alors, voici, selon la technique choisie, isolation par l’intérieur ou l’extérieur, quelques propositions de complexes de murs idéales pour une paroi en pierre…
A. Isolation par l’intérieur (ITI)
Dans la gamme de matériaux bio et géosourcés, on peut trouver beaucoup de solutions compatibles avec les murs en pierre. Certaines peuvent s’associer avec tous les types de pierre, d’autres nécessitent une attention particulière. Impossible donc d’être exhaustif selon les cas, mais voici quelques exemples, sous réserves des éléments ci-dessous :
| Solution complexe mur | Gain thermique espéré | Capacité hygro régulante | Frein
vapeur |
Confort
d’été |
Type
de pierre |
| Brique chaux-chanvre et enduit plâtre | ***** | ***** | non | **** | toutes |
| Panneau fibre bois et lambris bois | **** | **** | oui | *** | toutes |
| Enduit chaux chanvre projeté | *** | ***** | non | **** | tendre
et semi tendre |
| Panneau fibre d’herbe et fermacell | **** | ***** | oui | **** | toutes |
| Enduit correcteur argile Isol Argilus | *** | ***** | non | *** | tendre
et semi tendre |
| Panneau laine de coton et Agepan | **** | **** | oui | **** | toutes |
Attention ! Il est impératif de comprendre qu’il n’est pas possible de détailler dans ces solutions l’efficacité exacte des matériaux choisis, car cela dépend notamment :
- de l’épaisseur du mur
- de l’orientation du mur
- de la qualité de la pierre
- des risques humidité (sol, murs, climat)
A noter : pour toute finition en filière sèche, c’est à dire un isolant fibreux (type laine de bois, coton, chanvre, herbe,…) avec une finition sèche (type placo, fermacell, osb, …), il est conseillé d’appliquer un enduit de répartition de l’humidité (à base d’argile, chaux et sable) sur une pierre dure ou semi-tendre avant de la recouvrir d’un isolant.
B. Isolation par l’extérieur (ITE)
Solution idéale pour obtenir une isolation parfaite, sans pont thermique, elle nécessite de bonnes compétences, un outillage spécifique (comme l’échafaudage) et plus de matières, ce qui explique son coût supérieur à l’ITI.
Là encore, voici quelques exemples, non exhaustifs, de solutions d’isolation par l’extérieur de murs en pierre :
| Solution complexe mur | Gain thermique espéré | Capacité hygro régulante | Film
pare-pluie |
Confort
d’été |
Type
de pierre |
| Bloc multichanvre et enduit Kalamua | ***** | ***** | non | **** | toutes |
| Panneau fibre bois et bardage bois | **** | **** | non | **** | toutes |
| Enduit isolant Novaskin | *** | ***** | non | **** | toutes |
| Panneau liège expansé et enduit chaux | **** | **** | oui | **** | toutes |
Attention ! Il est impératif de comprendre qu’il n’est pas possible de détailler dans ces solutions l’efficacité exacte des matériaux choisis, car cela dépend notamment :
- de l’épaisseur du mur
- de l’orientation du mur
- de la qualité de la pierre
- des risques humidité (sol, murs, climat)
Notre conseil : faire le choix d’un enduit ouvert à la vapeur avec un Sd de l’ordre de 0,5m pour les pierres tendres, et de 2m pour les pierres dures.
Les étapes clés pour une isolation réussie
- Diagnostic préalable :
- État du mur (humidité, fissures, salpêtre)
- Test de perméabilité à la vapeur d’eau
- Vérification de la ventilation du bâtiment
- Choix du matériau :
- Adapté au climat local, à l’usage du bâtiment, au budget
- d’origine biosourcée et/ou géosourcée
- Préparation du support :
- Nettoyage, rebouchage des fissures, traitement contre l’humidité si nécessaire (enduit de répartition, par exemple)
- Pose de l’isolant :
- Respect des DTU (Documents Techniques Unifiés)
- Recours à professionnels certifiés RGE (Reconnu Garant de l’Environnement) si sollicite des aides
- Finitions :
- Enduits respirants, peintures naturelles
- Vérification de l’étanchéité à l’air
En conclusion: isoler les murs en pierre, un équilibre entre performance et respect du bâti
L’isolation écologique des murs en pierre ne se résume pas à une simple amélioration énergétique : c’est un véritable travail d’harmonie entre confort, durabilité et préservation du patrimoine. Choisir des matériaux naturels et perspirants comme les isolants biosourcés ou géosourcés permet de conserver les qualités du mur tout en limitant les pertes de chaleur.
Pour réussir son projet, rien ne remplace les conseils d’un professionnel formé au bâti ancien. En consultant un membre du réseau Nature & Développement vous aurez la certitude qu’il saura vous conseiller ou vous orienter vers le bon expert du bâti ancien.
Crédits Photos : A2ME (37), Eko Etik matériaux (35), MBC Toulouse (31), Quercy Ecomatériaux (46), et images générées par iA Gemini et Microsoft Designer (Une)



A noter : en présence d’un enduit ou jointoyage continu au ciment, notamment s’il est déjà fissuré : envisagez de casser et remplacez par un enduit à la 






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