Alors que le secteur du bâtiment cherche activement à réduire son empreinte carbone, le ciment — et notamment le Portland — reste l’un des matériaux les plus polluants utilisés dans la construction. Pourtant, des alternatives existent, notamment pour la réalisation des dalles intérieures, sans compromis sur la durabilité ni le confort.
Que ce soit pour une maison neuve qu’on voudrait écologique, la rénovation d’un bâti ancien ou un projet bas carbone ambitieux, il est aujourd’hui tout à fait possible de couler une dalle sans ciment. Dès lors, comment concevoir une dalle intérieure sans recourir au ciment ? Cet article explore les solutions existantes, dites naturelles, capables de répondre aux exigences de confort, de durabilité et de compatibilité avec des matériaux peu impactants.
Les enjeux écologiques, sanitaires et patrimoniaux du ciment ?
Un impact environnemental majeur
Le ciment Portland est l’un des matériaux les plus émissifs de gaz à effet de serre au monde. Sa fabrication repose sur la cuisson du calcaire à très haute température (environ 1450 °C), une opération qui émet à la fois du CO₂ issu de la combustion des combustibles fossiles et de celle du calcaire lui-même (décarbonatation). Ce procédé représente à lui seul environ 7 à 8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. De plus, l’extraction massive des matières premières (calcaire, argile) engendre un appauvrissement des ressources naturelles, une artificialisation des sols et une consommation importante d’eau et d’énergie.
Des effets sanitaires indirects mais bien réels
Sur le chantier, le ciment Portland peut provoquer des irritations cutanées, des allergies ou des problèmes respiratoires en cas d’exposition prolongée à la poussière (pH très basique et présence de silice). Mais au-delà de sa fabrication ou de sa pose, le ciment agit aussi de manière plus insidieuse en intérieur : il limite la respiration des parois, favorise l’accumulation d’humidité dans certains contextes, et peut conduire à des pathologies du bâtiment (moisissures, condensation), qui impactent indirectement la qualité de l’air intérieur et donc la santé des occupants.
Une incompatibilité avec le bâti ancien
Sur le plan patrimonial, l’usage du ciment Portland pose un véritable problème lorsqu’il est employé dans la rénovation de bâtiments anciens. Trop rigide, trop imperméable, il est souvent incompatible avec les matériaux traditionnels (pierres, briques, terre crue, bois) conçus pour respirer et gérer l’humidité de façon diffuse. Son usage peut entraîner des désordres structurels (fissures, éclatement de parements), altérer la durabilité des maçonneries, voire accélérer leur dégradation. Dans une approche de conservation ou de réhabilitation respectueuse, des matériaux plus “souples” et capillaires comme la chaux ou la terre restent indispensables.
Même si la filière béton tente de réduire au maximum son impact carbone, ce matériau restera toujours problématique pour ses besoins en eau, en sable et son impact environnemental gigantesque (voir clinker). A cela peuvent aussi être ajoutés des impacts sociétaux comme par exemple le scandale Lafarge/Daech qui n’est malheureusement surement pas le seul
Qu’est-ce qu’une dalle béton et quelle est son utilité ?
Dans le cadre d’un bâtiment, la dalle est l’élément horizontal en béton, généralement armé, posé sur des fondations, coulé sur place ou préfabriqué et sur lequel repose tout le bâtiment. Dans la construction d’une maison, la dalle joue un rôle structurel et fonctionnel essentiel.
À quoi sert une dalle béton ?
En qualité de deuxième support du bâtiment après les fondations, la dalle répartit les charges des murs, cloisons, mobilier, habitants, sur le sol de manière uniforme.
Elle constitue aussi la base de plancher, la surface sur laquelle reposent les revêtements de sol (carrelage, parquet, chape, etc.).
La dalle renforce la stabilité et durabilité de l’assise de la maison et protège un peu contre les mouvements du sol ou les infiltrations.
Elle peut intégrer des couches d’isolation thermique ou acoustique (dans une dalle flottante, par exemple).
C’est aussi une barrière contre l’humidité. Avec un hérisson drainant ou un remblai isolant (type Misapor), elle limite les remontées capillaires dans les pièces, tant que la rupture est faite avec les murs extérieurs.
On distingue généralement :
- La dalle de compression (dans les planchers béton ou bois),
- La dalle pleine sur terre-plein (coulée directement sur le sol préparé),
- Ou encore la dalle portée, qui repose sur un vide sanitaire ou un sous-sol.
Les différents types de dalle, leurs mises en oeuvre et usages :
Type de dalle | Mise en œuvre | Usage principal | Avantages principaux |
Dalle sur terre-plein | Coulée sur sol préparé | Rez-de-chaussée | Économique, rapide |
Dalle portée sur vide sanitaire | Sur murs/poutres avec vide | Rez-de-chaussée sur terrain humide | Protection contre l’humidité, accès aux réseaux |
Dalle pleine | Coulée sur coffrage | Étages, grandes portées | Solidité, isolation acoustique |
Plancher poutrelles-hourdis | Assemblage modulaire | Rez-de-chaussée et étages | Rapidité de pose, adaptabilité |
Dalle nervurée/alvéolaire | Préfabriquée en usine | Bâtiments industriels | Légèreté, grandes portées |
A savoir : différence entre dalle et chape béton ?
- La dalle est la base structurelle du bâtiment, sur laquelle viennent les chapes, isolants ou revêtements. Ils est conseillé une épaisseur de 15 cm minimum pour obtenir une bonne résistance mécanique de cet élément.
- La chape est la finition, qui prépare la surface avant la pose du sol (parquet, béton ciré, …).
Une fois qu’on a bien compris l’utilité, l’intérêt et les différents types de dalles, voici maintenant les différentes solutions alternatives au ciment Portland pour la réalisation de votre dalle.
Les bétons industriels à l’argile
3 grands industriels français se distinguent sur ce marché des bétons d’argile.
Le ciment Hoffmann Green, un liant innovant sans clinker, est formulé à partir de coproduits issus de l’industrie (laitiers de haut fourneau, argiles activées, gypse, etc.). Il se distingue par un procédé de fabrication à froid, réalisé sur site industriel, qui permet de produire un ciment prêt à l’emploi pour de nombreuses applications : béton prêt à l’emploi, préfabrication, coulage en place. Il est utilisé pour des ouvrages classiques comme les dalles, les fondations ou les murs porteurs. Son intérêt principal réside dans sa compatibilité avec les procédés habituels du BTP tout en s’inscrivant dans une logique de diversification des matériaux.
Materrup a aussi développé un ciment innovant à base d’argile crue non calcinée, sans clinker. Sa technologie brevetée, appelée Crosslinked Clay Cement (CCC®), permet de produire un ciment adapté à la plupart des usages structurels du bâtiment, tels que les bétons prêts à l’emploi, les éléments préfabriqués ou les blocs creux . Ce ciment est conçu pour être compatible avec les procédés de fabrication et de mise en œuvre existants, facilitant ainsi son adoption sur les chantiers .
Grâce à sa robustesse et sa durabilité, la dalle béton MATERRUP permet d’aménager des sols extérieurs pour des bâtiments industriels ou tertiaires, des entrepôts, des équipements sportifs, etc.
Neocem a créé de son côté des liants hydrauliques bas carbone composés de ciments décarbonés, de fillers calcaires et de liants alternatifs issus de co-produits industriels. Leur formulation pour dalles béton assure une bonne ouvrabilité, un séchage maîtrisé et une résistance mécanique conforme aux exigences structurelles. Les performances sont optimisées pour une mise en œuvre traditionnelle sur chape, terrasse ou dalle intérieure. Ce produit allie efficacité technique et réduction de l’empreinte environnementale du gros œuvre.
Ces solutions industrielles sont généralement réservées aux grands bâtiments, pour des grandes surfaces et donc assez peu adaptées à la construction ou la rénovation d’une maison.
D’autres acteurs se sont penchés sur le sujet soit par l’innovation, soit en réactivant des solutions traditionnelles souvent oubliées, avec l’arrivée du ciment Portland.
Les bétons alternatifs naturels
La dalle chaux-chanvre
Un béton chaux-chanvre en dalle est un mélange composé de chènevotte (partie ligneuse du chanvre), de chaux hydraulique ou formulée, et d’eau. Il est utilisé comme dalle isolante, généralement sur hérisson, dans les bâtiments neufs ou en rénovation. La mise en œuvre se fait en coulage ou en damage, souvent sans armature, sur une épaisseur variant entre 10 et 20 cm selon les besoins d’isolation.
Sa légèreté, ses qualités hygrothermiques et sa compatibilité avec les supports anciens en font un matériau idéal dans le bâti ancien. Il offre un bon confort intérieur et peut recevoir une chape rapportée ou un sol sec. En revanche, il nécessite un temps de séchage plus long qu’une dalle traditionnelle et ne convient pas aux zones à fortes sollicitations mécaniques (sans renforts spécifiques) et aux zones trop humides .. Un bon choix de chaux et un séchage maîtrisé sont essentiels pour garantir sa durabilité.
➡️Notre conseil produit :
- Batichanvre
- Avec un chanvre certifié bâtiment
La dalle chaux-pouzzolane / chaux-sable
« Un béton chaux-pouzzolane en dalle est un mélange minéral associant de la chaux hydraulique naturelle (NHL5, NHL3,5) et de la pouzzolane, une roche volcanique aux propriétés réactives qui favorisent en particulier la carbonatation de la chaux.
La pouzzolane de type 0-15mm pourra être utilisée comme agrégat principal du fait de sa étendue granulométrique (Cf. recette SAINT ASTIER). Cette combinaison forme un béton de chaux performant et adapté au bâtiment ancien. Ce béton est coulé sur hérisson pour réaliser des dalles porteuses ou isolantes, selon la formulation et l’épaisseur ».
Ses intérêts résident dans sa bonne capacité de régulation de l’humidité, sa durabilité et sa compatibilité avec les matériaux anciens (avec terre cuite, bois et carrelage ancien). Il convient particulièrement en rénovation de bâti ancien, avec son bon compromis portance/légèreté, ou dans des contextes nécessitant une dalle « respirante ». Les points de vigilance portent sur le dosage précis du liant, l’humidité du support, et le temps de séchage, généralement plus long qu’un béton classique. La pouzzolane doit être bien calibrée pour assurer une bonne réactivité avec la chaux.
➡️Notre conseil produit :
La chaux NHL 3.5 ou idéalement 5 St Astier
Pour le granulat :
- De la pouzzolane naturelle (à la place du sable, gravier, bille d’argile)
- ou du métakaolin (artificiel) permettant moins de chaux
La dalle terre crue stabilisée
Une dalle en terre crue stabilisée est un ouvrage de sol réalisé à partir de terre argileuse locale, mélangée à un stabilisant (comme de la chaux, du ciment ou du silicate) pour en améliorer la résistance et la durabilité. La composition varie selon la nature de la terre utilisée, mais elle inclut généralement de l’argile, du sable et éventuellement des fibres végétales.
La mise en œuvre se fait par couches compactées directement sur un hérisson drainant, avec un soin particulier porté au dosage en eau et à la qualité du compactage. La finition peut être lissée ou recouverte d’un traitement protecteur, selon l’usage prévu.
Ce type de dalle contribue à un faible impact carbone, un bon confort thermique et hygrothermique, ainsi qu’une grande compatibilité avec le bâti ancien. Les points de vigilance concernent la sensibilité à l’eau (malgré la stabilisation), la qualité de la terre disponible et le temps de séchage, souvent long. Une protection efficace contre l’humidité ascendante et les infiltrations est indispensable.
➡️Notre conseil produit :
Possibilité de stabiliser à la chaux pour plus de résistance à l’eau.
Le dalle béton Chaux liège
Le Béton Chaux Liège Échomer, développé par Saint-Astier, est un béton allégé prêt à l’emploi, formulé à base de chaux hydraulique naturelle (NHL 3.5), de granulats de liège (bouchons recyclés Echo-Mer) et d’adjuvants spécifiques. Destiné à la réalisation de dalles, hérissons isolants ou formes de pente, ce béton se distingue par ses propriétés thermiques et phoniques remarquables, tout en conservant une excellente perméabilité à la vapeur d’eau.
Sa légèreté permet de limiter les charges sur les structures, en particulier en rénovation. Grâce à la souplesse de la chaux et à la résilience du liège, ce béton chaux-liège réduit les risques de fissuration tout en améliorant le confort hygrométrique des bâtiments. Sa mise en œuvre se fait selon les règles classiques du bétonnage : gâchage à l’eau, pose sur support stable et plan, talochage éventuel en surface. Il peut recevoir un béton de finition ou une chape compatible, en fonction de l’usage final du sol.
Ce béton chaux-chanvre est particulièrement conseillé en région humide, pour ses capacités hydriques et son pouvoir imputrescible.
➡️Notre conseil produit :
A savoir : pour le drainage, l’isolation et le remblais de vos sols, pensez au hérisson réalisé en Misapor, verre cellulaire recyclé. Une solution complémentaire, idéale sur sol humide, qui permet de réduire l’épaisseur de la dalle.
Ces solutions ne sont pas exhaustives. Si elles représentent la majorité préconisation pour dalles sans ciment portland, il peut être envisager d’autres formulations. Ainsi, le ciment naturel prompt présente en dalle des atouts en termes de caractéristiques structurelles, de qualité hygrothermique (perméance). Il offre en outre une sécurisation sur la prise par temps froid, à adjuvanter sur des formulations à la chaux, par exemple.
Pour réussir cette dalle béton, il faudra cependant rester vigilant sur quelques points.
Quels sont les points de vigilance de ces bétons alternatifs ?
Ces différentes solutions de béton alternatif sont parfaitement adaptées à la majorité des bâtis anciens. Il faudra toutefois rester vigilant sur plusieurs points :
- Bien traiter tout problème d’humidité du sol (drainage, hérisson ventilé, membranes)
- Bien prendre en compte le temps de séchage souvent plus long que les dalles ciment
- Bien se renseigner sur la compatibilité avec les revêtements de sol choisi
Pour limiter les risques liés à la mise en œuvre délicate de ces dalles béton, nous vous recommandons de vous faire accompagner par des artisans formés, ou tout au moins, prendre conseil auprès des professionnels du réseau Nature & Développement. Ils prendront le temps de vous orienter vers les bons produits et peuvent aussi avoir des outils (à l’achat ou la location) adaptés à la mise en œuvre.
Crédits Photos : Argilus, Saint-Astier
0 commentaires